Actu associative

Attaques sur l'accès aux soins

Coupes budgétaires et fermeture de CSS

Un Centre de Santé Sexuelle (CSS) est un lieu, parfois rattaché à un centre hospitalier, parfois directement au sein des antennes du Planning familial, subventionné par les départements. Les personnes s’y rendent pour être écoutées, pour chercher de l’information sur la vie affective, relationnelle et sexuelle et pour consulter des gynécologues et des sages-femmes.

L’accueil y est inconditionnel : c’est gratuit et anonyme, tout le monde peut se rendre dans un CSS. C’est un relai central, pour toustes, y compris les populations vulnérables, dans la prévention et l’accompagnement psychologique et médical des personnes au sujet de la contraception, de l’IVG et des violences sexuelles.

Sur l'ensemble du territoire, les centres des Planning Familiaux sont menacés par les coupes budgétaires. Fermer les centres de santé sexuelles c'est mettre en péril l'accès au soin de milliers de personnes, c'est rendre plus difficile l'accès à l'IVG pour celleux qui le souhaitent.

Dans les faits, moins de subventions pour les CSS et le Planning familial, c’est :

  • la suppression de lieux d’accès aux soins (40% de lieux en moins dans la Drôme) ;
  • la suppression de centaines de consultations médicales par semaine sur le territoire ;
  • la suppression d’interventions d’EVARS en milieu scolaire (suppression de 40 séances en Loire-Atlantique, soit, à l’échelle des Pays de la Loire, 2 000 élèves qui n’auront pas de séance d’EVARS comme prévu en 2025) ;
  • la suppression de permanences d’écoute ;
  • des licenciements au sein des équipes salariées ;
  • un recul dans la prévention et la prise en charge des victimes de violences sexistes, sexuelles, conjugales et intrafamiliale.

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que ces coupes budgétaires affectent l’accès aux droits des usager-es, les premier-es touché-es étant les publics jeunes et/ou en situation de précarité et les habitant-es des zones rurales. Les inégalités y sont les plus importantes, à la fois en termes d’accès aux soins et de violences conjugales (près de 50% des féminicides ont lieu en zone rurale). Les risques, ce sont des retards de prise en charge dont des IST non diagnostiquées, des IVG tardives, voire des situations de personnes hors-délais et de potentielles complications. À terme, ces décisions affectent la santé publique : on sait que la prévention – massive, pour toustes, tout au long de la vie et sur l’ensemble du territoire – est le principal levier de réduction des violences sexistes et sexuelles, des inégalités de santé et des inégalités de genre. Et si tout cela n’est pas suffisant et qu’il est besoin d’un argument économique, Sandrine Mansour, coordinatrice régionale du Planning familial en Pays de la Loire, explique : « C’est un calcul à court terme : un euro mis dans la prévention santé, c’est 37 euros d’économisés en soins. ».

La constitutionnalisation de l’IVG ne nous protège pas des attaques des politiques publiques de droite et d’extrême-droite contre l’effectivité de nos droits sexuels et reproductifs. La présence de CSS sur l’ensemble du territoire est un enjeu de santé publique et non une variable d’ajustement budgétaire. Lutter contre la fermeture des CSS, c’est lutter pour le respect effectif des droits sexuels et reproductifs et pour l’égalité dans l’accès aux soins pour toustes et sur l’ensemble du territoire.

Le Planning familial 13 n’échappe pas aux pressions économiques. Depuis l’automne, la direction tire la sonnette d’alarme concernant ses difficultés financières, notamment auprès des élu-es. En effet, début août 2024, la Prime Ségur a été étendue aux salarié-es du secteur social et médicosocial privé dont font partie les salariées du Planning familial. Si cette décision est une avancée à titre individuel pour les salarié-es, sans compensation de l’État, elle met concrètement l'association en difficulté financière – ce qui est aggravé par l’incertitude quant au renouvellement de certains financements publics. Au PF13, cela pourrait signifier des licenciements économiques, un gel des recrutements voire des fermetures au public. Une des solutions envisagée – et controversée – pourrait être d'avoir recours à des financeurs privés...

L’Aide Médicale d’État menacée, c’est les droits à la santé sexuelle attaqués

Une autre attaque contre l’accès aux soins et aux droits en santé sexuelle, c’est le projet de loi de financement de la Sécurité sociale – revenue sur le devant de la scène au moment du vote du budget 2025 – qui menace l’Aide Médicale d’État (AME).

L’AME est un dispositif public qui permet aux personnes exilées, réfugiées ou demandeuses d’asile de bénéficier d’un accès à la prévention et aux soins gratuits sur le territoire – sauf à Mayotte où l’AME ne s’applique pas. C’est-à-dire que les soins médicaux et hospitaliers des bénéficiaires sont pris en charge à 100 %, et sans avance de frais, dans la limite des tarifs de la Sécurité sociale. En ce qui concerne spécifiquement la santé sexuelle, les soins couverts comprennent certains dépistages et les frais liés à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse. Cette aide est soumise à conditions de ressources : il faut percevoir moins de 847 euros par mois pour une personne seule. Elle concerne les personnes résidant en France depuis plus de 3 mois sans titre de séjour – sauf pour les mineurs qui bénéficient de l’AME sans délai.

Le 31 janvier 2025, députés et sénateurs ont décidé d’une coupe budgétaire concernant l’Aide Médicale d’État (AME). Ce qu'il se joue en réalité, c'est un démantèlement à bas bruit du dispositif. Parmi les propositions : réduire les soins accessibles avec l’AME, voire la remplacer par une  Aide Médicale d’Urgence (AMU), renforcer les contrôles par l’Assurance maladie, conjugaliser le calcul des ressources en faisant passer le seuil d’admissibilité à l’AME à 1 271 euros par mois pour un couple en France métropolitaine. Ces mesures auraient pour conséquence de priver des dizaines de milliers de femmes exilées de couverture santé, tout en les maintenant dans une situation de dépendance financière auprès de leur conjoint concernant leur accès aux soins, au risque d’accroître leur vulnérabilité face aux situations d’emprise, de chantage aux papiers, de violences financières et conjugales.

Or, s’il est besoin de contre-argumenter, toutes les données des rapports sur le sujet et tous les retours des acteurices de terrain prouvent le contraire. Déjà, la « migration pour soins » est un épouvantail agité par les réactionnaires. En réalité, la proportion des bénéficiaires reste stable depuis 10 ans et seulement 51% des personnes éligibles à l’AME en bénéficient effectivement : les personnes en situation migratoire ont peu connaissance de ce dispositif qui leur est bien souvent difficilement accessible matériellement. Ensuite, sur le plan économique, l’AME c’est seulement 0,5% des dépenses de l’Assurance maladie en 2023 et sa destruction entrainera des prises en charges plus tardives, donc plus graves, donc plus coûteuses.

Enfin, l’AME est un dispositif absolument nécessaire à la protection de la santé individuelle et publique : le renoncement aux soins que causerait une réforme de l’AME aurait pour effet la dégradation de l’état de santé des personnes exilé-es et donc de l’état de santé publique car la santé d’une population, c’est la santé de toutes et tous.

L’AME est un pilier essentiel de l’accès aux droits et aux soins des personnes étrangères en situation précaire, particulièrement fragiles sur le plan sanitaire et social. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que les premières victimes de ces violences institutionnelles sont les femmes en situation administrative précaire. Plus particulièrement, c’est leur accès aux soins post-agression, à la contraception d’urgence, à la chirurgie de reconstruction à la suite de mutilations génitales, aux traitements préventifs contre le VIH (PrEP) qui est menacé.

Le Mouvement français pour le Planning Familial et les associations de défense des droits des exilé-es défendent un système de soins inclusif qui passe par un accès simplifié et sans obstacle à une couverture maladie pour toutes et tous grâce à l’instauration d’une carte vitale pour les usagers de l’AME afin de favoriser l’accès aux soins des plus précaires, d’alléger le travail administratif des soignants et de l’Assurance maladie et de renforcer notre santé publique.

Pour un accueil inconditionnel, partout ET pour toustes

Au Planning familial 13, on milite pour l’accueil inconditionnel des personnes, peu importe leur genre, leur âge, leur situation financière, administrative ou de validité. En 2023, 1755 consultations gynécologiques ont été réalisées au CSS du Planning familial de Marseille. Elles sont sur rendez-vous, gratuites pour toustes et sans avance de frais (y compris pour les personnes non-assurées par la Sécurité sociale), anonymes sur demande. Elles sont accessibles quelle que soit la langue des patient-es grâce au recours à l'interprétariat en langue étrangère, adaptées aux personnes en situation de handicap et aux personnes grosses (la table d’orthogénie est conçue pour pouvoir accueillir des personnes de plus de 100kg, ce qui est encore rare et témoigne de la grossophobie du milieu médical).

Le Planning familial 13 porte également deux dispositifs régionaux : le numéro vert 0 800 08 11 11 et le site internet www.parlons-sexualites.fr. Ils permettent une accessibilité à l’information, l’écoute et l’orientation pour les personnes éloignées des centres urbains. Les salariées en charge de ces projets, Marion et Coline, disposent donc d'un aperçu de l’accès aux soins au niveau de l’ensemble de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Elles repèrent des zones moins couvertes : ce sont des zones dans lesquelles les femmes qui souhaitent effectuer une IVG sont obligées de parcourir de longues distances, parfois même de changer de département, pour trouver un-e médecin, un CSS, un centre hospitalier. On appelle cela le « taux de fuite ». Ou alors ce sont des zones dans lesquelles les demandes d'anonymat ou encore la prise en charge des personnes en situation administrative précaire sont plus difficiles à mettre en place. Elles identifient en particulier le secteur de Dignes-les-Bains et l’est des Alpes-de-Haute-Provence (04) ; le sud et l’est des Hautes-Alpes (05) ; le secteur d’Arles et des Alpilles, les 15e et 16e arrondissement de Marseille ainsi que le nord des Bouches-du-Rhône (13) ; le nord du Var (83) et le nord du Vaucluse (84). Pour assurer malgré tout nos missions de prévention dans ces zones moins couvertes, les salarié-es identifient les structures accueillant du jeune public (établissements scolaires, centres sociaux, missions locales…) et les pharmacies, médecins généralistes et sages-femmes à proximité, pour pouvoir communiquer auprès d'elleux sur le numéro vert et le site internet, et ainsi travailler à l’identification des lieux ressources en santé sexuelle auprès de ces publics éloignés du soin.

Communiqué de presse inter-AD - Alerte sur les fermetures de CSS