Il nous a été compliqué de réagir à partir de posts et de polémiques Facebook. Sans bien anticiper, nous avions d’ailleurs limité la réflexion à un slogan [1]. Les retombées de cette polémique nous ont dépassé-es.
Cependant, il nous faut réagir sur le fond, comme nous y enjoignent, et on peut le comprendre, un certain nombre d’adhérent-es, de sympathisant-es, d’internautes.
Une seule et bonne façon de s’émanciper ?
La société française a été et est traversée de manière particulière et sensible par des débats sur le port du voile, articulés à des inquiétudes et des peurs (sentiment de remise en cause de la laïcité, montée des intégrismes religieux). Cette actualité toujours renouvelée (rappelons-nous, entre autres, les arrêtés anti-burkini sur des plages de la Côte d’Azur) a fait du port du voile le signe emblématique de l’oppression des femmes. Les femmes portant un voile sont alors dépeintes soit comme des victimes soumises et passives, soit comme des opposantes actives à l’émancipation des femmes du fait de leur tenue vestimentaire et de ce à quoi cette tenue peut nous renvoyer. Le Planning Familial, est bien sûr lui aussi traversé par ces questions, nous ne sommes pas en dehors de la société mais nous refusons ces visions caricaturales.
Nous sommes une association féministe et professionnalisée qui accueille différents publics sur des questions intimes sans jugement ni présupposés. En prenant en compte la complexité des positionnements internes, nous avons voulu clarifier ensemble un certain nombre de points :
- Nous tenons à réaffirmer, en écho à l’encart du Collectif 13 droits des femmes (article de La Provence du 27/09/2018) et aussi d’une certaine manière au post, que selon les réalités quotidiennes des femmes avec les contraintes et contradictions sociales qui pèsent sur elles, les stratégies pour se mouvoir et tenter de trouver des marges de manœuvre individuelles ou collectives sont diverses et changeantes. Elles ne peuvent être définies dans un a priori des bons choix et des bons comportements à avoir face à ces contraintes sociales qui pèsent sur nous toutes de multiples manières.
- Nous nous opposons au fait de faire des populations dites issues de l’immigration les mauvaises élèves du progressisme féministe quand les populations des couches dites moyennes ou supérieures de la société représenteraient le modèle à suivre.
- Nous ne tenons pas à définir à quoi devrait ressembler la femme émancipée et à l’inverse à stigmatiser toujours les mêmes catégories de la population comme les moins avancées ou les plus opprimées.
Libre choix ?
Dans cette polémique il est aussi question des positions du Planning sur l’excision et le libre choix. Comme le confirme nos campagnes de communication et nos échanges avec le GAMS (Groupe pour l'abolition des mutilations sexuelles et des mariages forcés), nous rappelons pour mémoire notre condamnation de toutes les mutilations sexuelles, dont l’excision : c’est dit !
Dans une lecture féministe qui pose les rapports de domination comme structurels et donc dépassant les individus, la question du choix et de la liberté est évidemment une question problématique. Pour nous, la campagne « libres de nos choix » c’est celle de l’affirmation du droit de choisir pour les femmes dans leur vie affective (droit de choisir sa sexualité, d’interrompre ou non une grossesse, droit au plaisir, etc.) C’est en ce sens et de façon certainement volontariste voire utopiste que nous affirmons « libres de nos choix » malgré le constat de la permanence et de la force des normes sociales qui pèsent sur chacune. Nous faisons toutes des choix dans des cadres de contraintes (sociétales, environnementales, familiales, culturelles, religieuses, etc.) et chacune a des stratégies pour combattre ces injonctions. Il tient à cœur au Planning de saisir dans ses accueils et interventions la complexité des expériences, des trajectoires, des ressources, des inventions et des énergies de chacune pour faire face aux vécus d’oppression, individuellement comme collectivement. Nous souhaitons par ailleurs entendre le discours produit par et pour les femmes concernées avec toutes ces complexités et nous nous voulons vigilantes à ne pas calquer des normes dominantes à la réalité des femmes que nous rencontrons dans nos actions.
En conclusion…
Nous refusons de céder à la simplification. Nous ne renonçons pas à la complexité de la réflexion que nous avons à mener. Nous ne voulons pas nous réfugier derrière un débat d’étiquettes entre universalistes et relativistes. Nous sommes conscientes des contradictions internes qui nous traversent : nous voulons que cessent toutes les violences, ici, ailleurs et en toutes circonstances ; nous voulons l’émancipation pour toutes les femmes, et au moment où nous formulons ce « toutes les femmes », nous sommes contraintes de reconnaître l’hétérogénéité du groupe « les femmes » et par là-même la nécessité d’entendre que, pour chacune, les chemins pour y parvenir peuvent se rejoindre tout en étant distincts et peuvent aussi parfois s’opposer.
Nous serons désormais vigilant-es sur l’usage des réseaux sociaux car à force d’attaques à la limite du malhonnête, le risque est grand de fragiliser encore davantage des associations qui agissent sur le terrain pour l’égalité et les droits des femmes.
Les salarié-es et les élu-es du Planning Familial 13
Marseille, le 30 septembre 2018
[1] Pour rappel et rectification le slogan publié dans notre post était le suivant : « Nudity empowers some women/ Pudity empowers some women/ Different things empower different women/ Feminist is their right to choose » qui se traduit par « La nudité renforce la capacité d'agir de certaines femmes, la pudeur [et non la modestie] renforce la capacité d'agir de certaines femmes/ Des choses différentes renforcent des femmes différentes dans leur capacité d’agir/ Le féminisme représente leur droit de choisir ».