OBJET : Harcèlement scolaire - défaut d'application de la loi sur l’éducation à la sexualité en milieu scolaire
Lindsay, Lucas, et tous les autres élèves victimes de harcèlement scolaire sont des enfants en souffrance, des enfants qui n’ont pas trouvé comment se sortir de cette spirale du harcèlement. L'école qui devrait être un sanctuaire, un lieu d’apprentissage, d'écoute de confiance, était devenue pour elles et eux, un lieu de maltraitance. Les réseaux sociaux démultiplicateurs de ce harcèlement ont joué un rôle d’amplificateur de ces situations de harcèlement.
Face à ce constat, le Ministre de l’Éducation nationale a annoncé faire du harcèlement scolaire une priorité de la rentrée 2023, l’organisation d’une heure de sensibilisation au "harcèlement et réseaux sociaux", pour 3,4 millions de collégiens de France, dès cette semaine du 12 au 16 juin, une rencontre avec les recteurs, chefs d’établissement et inspecteurs de l’Éducation nationale et académiques, les 13 et 29 juin.
Nous saluons le fait que le gouvernement réagisse face à ces drames. Mais sa réponse ne saurait faire fi de l’arsenal législatif en vigueur et de son défaut de mise en œuvre. Car, depuis 2001, l’article L.312-16 du Code de l’éducation prévoit que l’ensemble des élèves doit bénéficier d’une éducation à la sexualité, tout au long de leur scolarité, à raison d’au moins trois séances annuelles. Soit entre 27 et 36 séances, selon la durée de la scolarité. Et l’éducation à la sexualité constitue un levier important dans la lutte contre le harcèlement scolaire.
Mais dans la réalité, les politiques publiques déployées en matière d’éducation à la sexualité sont très insuffisantes, et ce depuis plus de deux décennies. Aujourd’hui, moins de 15 % des élèves bénéficient de trois séances d'éducation à la sexualité pendant l’année scolaire en école et au lycée (moins de 20 % en collège). Et 17% des personnes âgées de 15 à 24 ans déclarent n’en avoir jamais reçues.
Les carences de l’État en matière d'éducation à la sexualité ont des conséquences individuelles et sociétales dont l’ampleur, la gravité et la fréquence sont constantes, voire en augmentation en France. A titre d’exemple, plus particulièrement sur le harcèlement, les chiffres, rapportés par le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes en mars 2022 sont éloquents : en moyenne 20 % des enfants de 6 à 18 ans disent avoir été confrontés à une situation de cyber-harcèlement (51 % des filles âgées de 13 ans), en 2021.
La réaction aux suicides d’enfants harcelé.e.s ne saurait se cantonner à des commentaires émotionnels et de vaines incantations. La France est dotée d’une loi qui a pour but de s’attaquer à la racine des inégalités et des violences de genre, dès le plus jeune âge, de favoriser les changements de mentalités et de comportements en vue de contribuer au respect et à la cohésion sociale.
C’est pour ces raisons que les associations, Sidaction, SOS homophobie et Le Planning familial, réunies sous la bannière Cas d’école, ont saisi le Tribunal administratif de Paris, en mars dernier, afin de faire constater la carence de l’État en matière d’éducation à la sexualité et obtenir du juge qu’il l’enjoigne à agir.
Ces 3 associations ont par ailleurs, suite à cette communication récente du ministre, décidé d’interpeller par courrier les recteurs et rectrices ainsi que les parlementaires.
Sarah Durocher,
Présidente du Planning Familial